Cet article fait partie d’une série de productions dans le cadre de l’enquête menée sur les conditions d’attribution, d’exploitation et de commercialisation des concessions d’exploitation forestière.
Le 12 avril, le ministère de l’environnement et du développement durable avait donné 15 jours aux exploitants forestiers pour faire leur réclamation suite à la publication du rapport de la commission de revisitation des contrats forestiers. Ce rapport proposait la résiliation de 30 contrats d’exploitation et de conservation. Il s’agissait du troisième état des lieux demandé par le gouvernement, sans pourtant que des suites soient données jusqu’ici aux recommandations. Entretien avec Yves Kitumba, directeur de cabinet d’Eve Bazaiba.
L’inspection générale des Finances avait déjà recommandé en 2021 la résiliation de certains de ces contrats. D’autres avaient été annoncés par le ministère lui-même. Interrogé sur les raisons pour lesquelles ces titres n’ont toujours pas été remis dans le domaine de l'État, le directeur de cabinet de la Ministre de l’Environnement et Développement durable Yves Kitumba l’explique par une complémentarité de méthodologie.
"Les méthodologies utilisées au niveau de l'IGF ce sont des méthodologies documentaires, la commission a utilisé d’autres méthodologies, notamment des interviews, des descentes sur le terrain. Après le traitement des recours, on aura le rapport définitif plus les conclusions qui permettront à Madame le ministre d'État de prendre des actes", a-t-il expliqué au cours d'une interview accordée à ACTUALITE.CD jeudi 11 mai 2023.
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Yves Kitumba rappelle qu’avant même le rapport de l’IGF, il y avait déjà une “revue légale” financée par l’Union européenne.
"C'est juste le dernier filtre, le gouvernement a demandé qu'il y ait un troisième filtrage qui est ce rapport de revisitation, c'est cette commission de revisitation qui a essayé de travailler de manière indépendante d'esprit, tout en gardant en tête qu'il y a eu deux précédents documents, c'est-à-dire le rapport de l'IGF et la revue légale mais de manière indépendante, elle a travaillé. Il faut voir définitivement les résultats, s'il y a assez de différences ou pas mais de notre point de vue, le travail se fait dans l'impartialité, je pense bien que ce qui est légal restera légal, ce qui est illégal restera illégal".
Ces audits ont pointé des complicités au sein même du ministère dans l’attribution illégale des concessions. Pourtant, personne n’a été sanctionné jusqu’ici. Pour Yves Kitumba, l’important, c’est d’améliorer le respect des textes.
"Quand vous lisez de près le rapport préliminaire, il y a également des propositions de sanctions des poursuites judiciaires de toutes les personnes qui ont été citées ou impliquées dans des octrois illégaux, dans des procédures illégales. Je pense aussi qu'il ne faut pas personnifier le débat parce que l'administration, on ne le prend pas en termes des personnes mais on la prend en termes des fonctions. Ce qui est important de notre point de vue, c'est le respect des textes", a souligné Yves Kitumba.
Quand on lui rappelle que des ONG internationales comme Greenpeace ont insisté auprès du Chef de l'État Félix Tshisekedi pour des sanctions, le directeur de cabinet d’Eve Bazaiba s’emporte.
"En quelle qualité ? Pour demander au Président de la République ? Prenons nos ONG locales ici comme ACAJ ou ASADHO, elles donneraient des instructions au Président de la République Française ? Ou une ligne de conduite au Chef de l'État français ? Arrêtez ! Elles n'ont pas qualité, ce n'est pas l'église catholique, ce n'est pas l'église Protestante que je considère comme société civile pure, ce n'est pas aussi une organisation de la société civile interne qui représente les communautés locales telles que les pygmées ou d'autres communautés", a fait remarquer Yves Kitumba.
La société civile environnementale congolaise s’est plainte d’avoir été écartée des travaux de la commission de revisitation. Yves Kitumba rappelle que ce travail relève de la compétence du gouvernement et non de la société civile.
"La société civile doit être société civile. Nous, nous sommes au gouvernement, si la société civile veut faire le travail du gouvernement donc elle devient gouvernement. La société civile doit critiquer le travail qui est fait pour qu'il y ait amélioration mais si vous l'intégrez dans la commission, c'est pour faire quoi ? Dites-moi. Parce que là, elle sera juge et partie. La société civile doit jouer son rôle d'alternative, critiquer de manière objective pour que les choses s'améliorent. Donc il est important de noter qu'il y a beaucoup de manipulations dans ces genres de dossiers, aujourd'hui je crois nous sommes assez éveillés, je pense que notre peuple n'est plus dupe”.
Le directeur de cabinet de la ministre de l’environnement ne répond pas sur le nombre de recours déposés par les entreprises, ni sur les délais avant qu’une quelconque décision soit rendue sur les contrats litigieux.
“Pour respecter la procédure, il y a eu une procédure contradictoire. Ca veut dire que le rapport est mis à la place publique, pour que ceux qui se sentent lésés, s’il y a des éléments nouveaux, ils peuvent se manifester. Je peux vous confirmer en tant que coordinateur de cette commission qu'il y a eu enregistrement des recours, des gens qui sont sentis lésés et qui ont apporté des éléments selon eux des preuves qui soutiennent en fait leurs prétentions, la commission va examiner les recours et preuves à l'appui. Des décisions vont en sortir, il y aura des décisions définitives", a toutefois assuré Yves Kitumba au cours de l'entretien.
Pour Yves Kitumba, la publication des différents rapports sur le secteur ne se fait pas sur base des pressions des bailleurs. À l'en croire, il y a des procédures à suivre. Prenant le cas précis du rapport de l'IGF réalisé en 2020 et publié en 2022, il a précisé que la primauté de ce rapport était réservée au Chef de l'État Félix Tshisekedi.
"Il faudra bien comprendre la procédure, l'IGF est un service qui dépend du Président de la République, donc la Présidence de la République, lorsqu'on commande un travail, ça veut dire une enquête, la primeur de l'information revient au Président de la République. Et le Président de la République l’envoie au gouvernement qui le reçoit en premier lieu, c'est le premier ministre qui donne des instructions aux ministres sectoriels d'en faire large diffusion. La publication a été faite après autorisation de la Présidence, du premier ministre, après l'avoir exploité, bien entendu", a-t-il conclu.