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Article Publication logo juin 9, 2023

Au Cameroun, des villageois dépossédés de leurs terres par les concessions forestières

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illustration of a line of three trucks loaded with logs driving through a forested dirt road
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Josiane Kouagheu compte enquêter pour Le Monde Afrique sur le système de pillage des forêts du...

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Emmanuel Yaba, chauffeur à la retraite, craint de perdre sa maison à Bella, dans le sud du Cameroun. Image par Josiane Kouagheu. Cameroun, 2022.

« Au Cameroun, la loi de la jungle » (2/3). Dans le sud du pays, les riverains de la forêt de Lokoundjé-Nyong n’ont jamais été associés aux délimitations des zones exploitables, qui empiètent sur leur espace vital.


Il y a huit ans, Emmanuel Yaba a décidé de retourner à Bella, son village natal dans la région du Sud, « pour vivre ses derniers jours sur la terre de [ses] aïeux ». Après plus de trente années passées à Yaoundé, l’ancien chauffeur aujourd’hui retraité s’est installé sur la parcelle de forêt qui appartenait à son défunt père. Accompagné de son épouse, il y vit dans la maison qu’il a bâtie grâce aux économies accumulées du temps où il sillonnait les routes du Cameroun.

Quand il a quitté Bella, Emmanuel Yaba n’avait que 18 ans. Depuis sa retraite, il a redécouvert une vie paisible, rythmée par la culture des champs de cacao, de manioc, de bananes plantains, d’ignames, et les discussions avec le voisinage. Mais depuis quelques mois, l’ancien chauffeur a perdu le sommeil. A quelques mètres de sa concession, des traces de peinture rouge sont apparues sur les arbres.


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Ces marquages délimitent les parcelles sous exploitation au Cameroun, deuxième plus vaste pays forestier du bassin du Congo. Emmanuel Yaba a été mis devant le fait accompli, dit-il : ses terres coutumières sont aujourd’hui dans l’espace de l’unité forestière d’aménagement (UFA) 00-003, une vaste concession attribuée par le gouvernement à une entreprise pour l’exploitation industrielle du bois.

Les parents d’Emmanuel Yaba ne lui avaient jamais parlé de cette situation. Ses voisins non plus. Encore moins Propalm Bois, l’entreprise qui exploite la concession. A Bella, les arbres marqués de rouge s’étendent à perte de vue de part et d’autre de la principale route en terre ocre qui relie Lokoundjé et Bipindi, les deux communes du département de l’Océan couvertes par l’UFA 00-003. La même piste mène aux habitations. Un sentier pavé d’inquiétudes.

« On a peur parce que c’est l’Etat »

Lorsqu’il quitte son domicile, Norbert Nzée, le chef de la communauté bagyeli de Bella (les Bagyeli sont les populations autochtones des forêts), est cerné par les layons qui desservent ces parcelles. « Il y en a partout, partout, partout en brousse », répète cet homme âgé de 58 ans. Même dans les espaces où ce père de cinq enfants, par ailleurs guérisseur traditionnel, se fournit en feuilles, écorces et fruits, et où il a des cultures vivrières.

Dans les villages voisins, tout le monde est logé à la même enseigne, populations autochtones comme bantoues. Les plantations de palmiers à huile sont zébrées de traits rouges. Les habitants interviewés par Le Monde et InfoCongo assurent ne jamais avoir été associés aux délimitations ni informés des contours de l’unité forestière. « On a peur parce que c’est l’Etat. Mais ces gens-là doivent avoir pitié de nous qui gardons la forêt », implore Jacqueline Nguissi, veuve et mère de huit enfants, dont les quatre hectares de champs se trouvent dans la concession forestière.

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